Maker Manifesto

« … il est de notre côté une certitude. La construction et les recompositions du monde maker ont directement à voir avec les évolutions tendancielles de la société moderne contemporaine. Les makers contribuent non seulement aux mutations actuelles, mais leur monde constitue également un excellent révélateur des lignes de recomposition dont ce début de millénaire est le théâtre. Cela est vrai à tout le moins pour ce qui concerne trois thématiques difficilement sécables autrement qu’en théorie : le travail, la technique et l’individuation. »

« Le monde makers participe activement à ce processus de recomposition. Dans les makerspaces {…} l’opposition entre travail et formation perd de son sens puisque chacun, tour à tour, peut être maître et apprenant, éducateur et producteur … Là aussi, la frontière entre le travail à titre onéreux et travail à titre gratuit est devenue extrêmement floue, tout comme est devenue problématique l’opposition entre le privé et le public. Les fablabs et hackerspaces accueillent aussi bien des personnes qui viennent bidouiller pour le plaisir que des entrepreneurs ou futurs entrepreneurs qui trouvent dans les tiers-lieux les ressources nécessaires au développement d’un projet à finalité marchande. La dernière frontière n’est guère plus pertinente pour comprendre les logiques de mobilisation et d’usage du travail à l’œuvre dans les makerspaces, La raison majeure tenant au fait que nombre de ceux qui fréquentent ces « tiers-lieux » se jouent allègrement des oppositions statutaires qui séparent les salariés des indépendants. Comment rendre compte de ces évolutions ? Plutôt que de raisonner paresseusement en termes d’hybridation ou de récupération, postures finalement très conservatrices, c’est davantage en faisant le pari que du neuf se construit sur les débris du vieux monde fordien que l’on pourra finalement prendre au sérieux le monde maker comme un des vecteurs de recomposition radicale du travail. »

BERREBI-HOFFMANN Isabelle, BUREAU Marie-Christine, LALLEMENT Michel. (2018). Makers. Enquête sur les laboratoires du changement social. Paris, Editions du Seuil. p. 322-324.